DANS LES VEINES RALENTIES…
Quatre femmes, un enfermement. Trois sœurs, un déchirement. Fractures des cœurs, des consciences. Pas sur le même pas de danse…
Quand le vibrato de l’une va à cent à l’heure, celui des autres en costume piétine en « la mineur ».
Et c’est celle qui meurt qui pétille d’élégance. A l’intérieur. Allant jusqu’à faire reculer les bonnes âmes si promptes « à aider ». Allant jusqu’à faire reculer la Faculté dans un grand cri de désespoir et de dignité.
Superbement portée par Julie Le Lagadec, Agnès part, n’en finit pas de partir, délirante, passionnée.
Mais qui délire « en réalité » ? Elle, ses sœurs, les docteurs ? Le regard du spectateur hésite puis change bientôt de focale…Tout au long des échappées brutales de l’alitée vers son espace de liberté, l’atelier photo, que seule la fidèle Ana, lumineuse Aurélie Toucas, côtoie. Agnès tente d’y sauvegarder quelques parcelles de liberté, de reconstituer son puzzle d’amour entre les crises, les traitements et les irruptions récurrentes de Maria et Karin (Aurore Erguy et Marie Quiquempois), les soeurettes, deux charmantes pipelettes à jamais hors sujet.
Du lieu où elle se trouve, seuls les caresses d’Ana et le silence des souvenirs réussissent encore à impressionner sa pellicule intime… Espace protégé, nid douillet, creux de poitrine. Quand la transmission se fait de peau à peau bien plus qu’avec des mots. Quand le relai se donne dans les yeux. Ce regard que ne donnent plus les pressés d’agir, les pressés d’en finir. Ceux qui savent, ceux qui jugent… Nous parfois, aussi, un peu…
Magie du théâtre que de nous donner à voir les multiples facettes de notre moi fragmenté, rassemblé sous une identité de bazar. Magie du théâtre que de nous donner à vibrer, à muer en direct live, au rythme des sanglots. A noter le beau duo des soeurettes sur l’apprentissage du mot « libre » à jamais impossible à prononcer, réactions dans la salle…
Mise en abime des situations, jeux de caméras et jeux de voiles, la mise en scène originale d’Aurélie Van den Daele sert sans peser le texte d’Elsa Granat. Au titre magnifique. Bref, « Dans les veines ralenties », je n’ai vu que la vie.
Un extrait pour donner envie…
Camille Arman